Et non, ce n’est pas moi ! Même si ça aurait été, je l’avoue, une grande fierté. Le second concours auquel j’ai participé cette année a rendu son verdict il y a quelques jours et la nouvelle George Sand a été sacrée. Merci à tous mes relecteurs pour votre aide et votre soutien. J’ai adoré participer. Le thème était libre, seule la première phrase du texte était imposée.
Pour ceux qui n’ont pas eu l’occasion de le lire, je vous le donne ici. J’espère qu’il vous surprendra, vous fera sourire, vous plaira autant qu’il m’a été agréable de l’écrire.
Je retenterai l’année prochaine…enfin…si le thème m’inspire !

A nous la liberté !
Le jour venait de se lever. Tara sentait la pression de la lumière sur ses yeux encore endormis. Elle était bien, encore enveloppée de la douce chaleur de son sommeil, rêvant comme toujours, à d’incroyables aventures. Cette odeur qui l’entourait pourtant, elle ne la supportait pas. Elle ne ressemblait en rien à cette odeur familière et sucrée qui faisait son quotidien. Elle était acide et irritante.
Ses mains se mirent machinalement à tâter l’environnement qui l’entourait. Il ne correspondait pas à son univers habituel bien qu’il en avait quelques similitudes. En dessous d’elle, la surface semblait presque familière mais bien moins douce qu’à l’accoutumé. De tous côtés elle n’était, lui semblait-t-il, entourée que de barreaux, qu’elle peinait encore à distinguer malgré l’effort surhumain qu’elle exerçait pour s’éveiller. Comment était-elle arrivée là ? Quelqu’un l’y avait déposée se souvenait-elle.
Elle en avait des flashs. Des bras qui l’emportaient. Un visage inconnu au-dessus du sien. Le sommeil qui la faisait sombrer.
Une ombre passa. Un frisson parcourut immédiatement son dos. La panique l’envahit si rapidement qu’elle ne put la contrôler. Son visage commença à se contracter, à se crisper à l’en faire mal. Sa bouche, habituellement affublée d’un sourire radieux, se mit à se contorsionner. Des spasmes commencèrent à faire tressauter son corps sans qu’elle puisse se calmer. Les larmes se mirent à couler avant même qu’elle n’émette un son.
C’est là qu’elle entendit la voix de Léo pour la toute première fois. Elle comprit dans son intonation qu’elle ne devait pas pleurer, qu’un danger guettait.
Etait-ce la panique qui lui faisait entendre des voix ? Etait-ce la folie qui l’avait conduite ici ? Non, non elle n’était pas folle. Il lui fallait éclaircir cette histoire.
Léo avait la voix douce, un peu aiguë mais rassurante à la fois. Il lui parla un moment, lui faisant comprendre qu’ils étaient enfermés tous les deux, côte à côte, séparés par des barreaux. Il y en avait d’autres comme eux, mais ils n’avaient toujours pas repris connaissance. En se concentrant, elle entendait ces autres souffles, aussi apaisés que le sien quelques minutes auparavant.
Léo ne savait pas non plus comment il était arrivé là. Lui s’était éveillé bien avant elle. Il avait entendu son arrivée mais n’avait pu distinguer la personne qui l’avait amenée.
Sans doute était-ce l’un des geôliers.
“On doit partir” pensait Léo. “Se sauver avant qu’ils ne reviennent. Je ne veux pas rester ici”.
Son attitude trahissait son angoisse de demeurer là, pour toujours, et de ne jamais revoir les siens.
Tara se sentait entravée, incapable de bouger, bloquée dans un enchevêtrement de tissus duveteux, lourds et terriblement chauds. Léo l’invita d’un geste à se calmer. Lui aussi était affublé de cet accoutrement mais s’était rendu compte que celui-ci ne l’empêchait pas de se déplacer. Cela rendait juste l’exercice plus désagréable et périlleux.
Aussi encouragée que terrorisée, elle se débattit utilisant toutes ses ressources pour se retourner et se redresser. A ce moment précis où son visage, rougi par l’effort, se relevait, elle le vit. Ses yeux plongèrent dans son regard d’un bleu intense. Une mèche blonde tombait délicatement sur son front. Sa peau était lisse, délicate. Il avait des joues roses et rondes à croquer. Le sourire de Tara était revenu, radieux. Il trahissait l’émotion qui venait de l’envahir.
Léo lui tendit la main à travers les barreaux, exprimant ainsi :
“Enchanté de te rencontrer enfin. Prête à te sauver avec moi ?”
Elle ne lui dirait que bien des années plus tard, mais oui, elle serait toujours prête à le suivre au bout du monde.
L’entreprise allait se montrer dangereuse. Les barreaux montaient à une belle hauteur, bien au-dessus de leurs têtes, mais il semblait possible de passer par-dessus. Tout du moins, Léo semblait confiant. Il leurs faudrait cependant gérer le poids de leurs entraves et limiter le bruit pour ne pas éveiller les soupçons des gardiens ou des autres prisonniers.
Léo commença son ascension. Les barreaux étaient glissants. Il avait une force surprenante dans les bras. Il tirait tout son corps, serrant de toutes ses forces, les muscles entièrement contractés. Voyant que Tara hésitait, son regard la somma d’attendre qu’il soit arrivé en haut. Il lui fallut un temps, qui parut infini à Tara, d’efforts et de glissades avant de parvenir au sommet.
Ils n’avaient qu’une sortie possible chacun, au bout de leur cellule. Les barreaux qui les séparaient permirent à Léo de se pencher au-dessus de Tara, la main tendue, l’aidant ainsi à se hisser à sa hauteur. Elle tremblait, sa main serrant la sienne. Simultanément, ils réussirent chacun de leur côté, à pivoter leurs jambes dans le vide. Ils y étaient presque.
Le temps s’arrêta soudain tandis qu’elle sentait la pression de la main de son compagnon quitter la sienne. Son souffle se coupa. Leurs doigts se quittaient dans un dernier effleurement. Elle ne pouvait le retenir. En une seconde, il bascula dans le vide.
“Aaaaaaaaaaaah !”
Son cri retentit dans toute la pièce.
Elle sauta à son tour, si ce n’est pour le sauver, au moins pour ne pas l’abandonner. Elle n’avait pas réfléchi, elle s’était lâchée. Elle ne pouvait pas se résoudre à sa perte, quitte à mourir avec lui.
L’impact se fit sourd et sec. Le sol était dur comme de la pierre mais la chute, bien que douloureuse, avait miraculeusement été amortie par tout ce tissu qui les recouvrait.
Quand, assurée de ne pas avoir péri, elle ouvrit les yeux, il la regardait. Il semblait tout aussi surpris qu’elle par l’issue de leur entreprise mais son sourire en disait long sur la fierté qu’il éprouvait à s’en être sorti.
“A nous la liberté !”, exprimait la lueur qui scintillait dans son regard.
Ils partirent en rampant, pour ne pas se faire repérer. Mais son cri avait de toute évidence attiré l’attention de l’un de leurs gardes. Non… Ses pas résonnaient tout autour d’eux. Il arrivait si rapidement, il n’allait pas tarder à les trouver. Tout ça n’aurait donc servi à rien ? Tous ces efforts pour retourner d’où ils venaient. Jamais ils ne verraient à nouveau leurs familles…
Dans l’encadrement de la porte elle apparut. Immense, les traits tirés et les cheveux accrochés en chignon. Elle était vêtue d’une blouse d’un blanc immaculé. Elle semblait surprise et contrariée à la fois de les voir ainsi au sol. Qu’allait-elle leur faire ?
“Léo, Tara, et bien mes petits nouveaux, j’espère que vous n’êtes pas blessés. Comme ça on essaye déjà de se sauver de la crèche ?” Dit-elle finalement en rigolant. “Allons venez dans mes bras mes bébés. Vos mamans viendront bientôt vous chercher, il ne faut pas vous inquiéter. En attendant, c’est moi qui m’occupe de vous, je vous emmène pour vous changer. »
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